- Benjamin SabatieR -

Structural Works

 
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EXPOSITIONS DU 25 AVRIL AU 29 JUIN 2019

Le titre de l'exposition de Benjamin Sabatier au premier niveau d'Eleven Steens renvoie à ce que l'on appelle, dans la construction architecturale, le « gros oeuvre ». Le gros œuvre est l'ensemble des ouvrages de l'édifice qui concourent à la reprise des efforts subis en permanence par la construction (les charges reçues et le poids propre de l'édifice) et tout ce qui concourt à la solidité, à la stabilité de l'édifice. Murs porteurs, poteaux, poutres, planchers, charpentes, fondations, etc. tout un vocabulaire que l'on a en tête en voyant les sculptures présentées. Pour essayer d'en savoir plus, et d'éclairer sa démarche, Eleven Steens posent trois questions à l'artiste. Composé pour la plupart de béton et de poutres de charpentes, l'ensemble de tes sculptures, sous un aspect brutal, nous semble pourtant fragile.

Pour toi, qu'est-ce qui fait la noblesse du béton ?

Le béton est une matière que j‘affectionne particulièrement. A la fois pour sa malléabilité et sa texture, apte à se transformer (du liquide il passe au solide), mais aussi pour l‘univers du chantier qu‘il convoque. Le Chantier c‘est l‘image du processus en cours, la forme en devenir. C‘est ce qui lie mon oeuvre au monde du travail, qu'il soit artisanal ou ouvrier. Lier la création au monde du travail manifeste mon engagement artistique.

Tu utilises des matériaux renvoyant au monde du bâtit : du béton, du bois, des poutres, de l'acier... Pourquoi faire usage de ce type de matériaux ?

Dans les années 80, mes parents (anciens élèves de Claude Viallat aux Beaux-arts de Marseille) ont acheté une ferme abandonnée en Haute Loire. Nous passions avec mes frères nos temps de vacances à la rénover. Pendant plus de dix ans nous nous nous sommes improvisés charpentier, couvreur, maçon, menuisier... Pour mes parents, ces activités avaient le sens d'un apprentissage et d'une réalisation personnelle. C'était gagner une sorte d'autonomie et d'indépendance à travers l'acquisition de savoirs pratiques. C'était une manière d'apprendre par l'action en se confrontant à des situations qui permettent de s'instruire à partir des exigences pratiques et théoriques qu'on découvre dans la pratique même. J‘entrevoie d'ailleurs la création comme la réunion inséparable du faire et du penser. L‘utilisation récurrente des matériaux et outils issus de la construction de bâtiment dans mon travail, renvoie à cette histoire personnelle et à ce que l'on appelle l' «autoconstruction », qui se manifeste par la volonté de l'individu de se réapproprier ses propres gestes, par le désir d'autonomie.

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On voit que la matérialité et les processus sont très important pour toi, comment travailles-tu ?

Mon travail débute toujours par une découverte des qualités de la matière, des possibilités de la révéler ou de la transformer. Je fais des
« expériences », dans le sens que le philosophe américain John Dewey donne à cette notion : sans exactement savoir ou je vais, je découvre l‘oeuvre en la faisant, par la pratique. La matière se transforme : le lourd devient léger, le solide devient fragile. Les gestes que j‘applique aux matériaux sont souvent radicaux, voir « brutaux » : assemblages, répétitions, compressions ... Malgré les métamorphoses, les gestes et les matières sont toujours visibles à la surface des oeuvres. Cette extrême lisibilité des procédés de fabrication, ainsi que l’usage récurrent de matériaux bruts et facilement disponibles – brique, poutres, clous, bois, papiers, sac de ciment etc. –, tendent à se démarquer du geste héroïque du « créateur inspiré » au profit d’une esthétique du chantier qui semble rendre possible et accessible l'appropriation des oeuvres par tout un chacun.

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Crédit photo @ Alberto Ricci